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La crise du Covid-19 racontée par les hôpitaux SantéCité


Rédigé par Joëlle Hayek le Lundi 17 Mai 2021 à 14:03 | Lu 380 fois


Fédérant 120 Hôpitaux privés indépendants répartis sur tout le territoire et en outre-mer, le groupement SantéCité a activement pris part à la lutte contre l’épidémie : près de 2 700 patients Covid y ont été hospitalisés entre mars et juin 2020, dont 293 en réanimation, soutenus par l’ouverture de 150 lits de réanimation supplémentaires. Près d’un an après la première vague, son Président Stéphan de Butler d’Ormond, et sa Directrice Générale Adjointe Bénédicte Le Mouel, reviennent sur une année mouvementée et les enseignements à en tirer.



Stéphan de Butler d'Ormond, Président du groupe SantéCité. ©DR
Stéphan de Butler d'Ormond, Président du groupe SantéCité. ©DR
Comment les Hôpitaux SantéCité ont-ils fait face à l’épidémie ?
Stéphan de Butler d’Ormond : Leur engagement a été remarquable, avec une mobilisation sans précédent des soignants, des directions, des agents administratifs et logistiques, … qui ont tous pleinement joué leur rôle afin que notre système de santé puisse faire face au nouveau virus. La terminologie est à ce titre parlante puisque, avec la crise, nous avons été reconnus comme « hôpitaux privés » plutôt que des « cliniques ».Cela étant dit, les deux premières vagues n’ont pas été vécues de la même manière, puisque leur gestion par les pouvoirs publics a elle-même été différente.

Comment cela ?
Bénédicte Le Mouel : La première vague a été très particulière : le monde s’est arrêté pour se battre contre un ennemi commun. Comme leurs homologues du secteur public, les hôpitaux privés sont aussitôt montés au front, en totale coordination avec les instances régionales et nationales. Cette mobilisation collective a permis d’adapter le système pour faire ponctuellement face à la crise, tout en préparant l’avenir. Chacun a joué sa partition. 
Stéphan de Butler d’Ormond : La Fédération de l’Hospitalisation Privée (FHP) a par exemple géré le volet institutionnel, tandis que la mise en œuvre opérationnelle a été déléguée aux établissements de santé, qui ont eux-mêmes pu d’appuyer sur les services régaliens essentiels – armée, logistique, alimentaire, finances, numérique… –  mais aussi, les réseaux patronaux. L’État s’est pour sa part positionné comme le régulateur en chef, en allouant des moyens supplémentaires, en territorialisant les processus décisionnels, etc. Tout cela a très bien fonctionné. Il est regrettable que les pouvoirs publics aient, depuis, fait marche arrière.

Surtout, cette première « bataille » s’est faite sans armes…
Stéphan de Butler d’Ormond : Il n’y avait en effet pas de masques, et tous les équipements de protection individuelle étaient en tension. Je salue d’ailleurs ici la solidarité extraordinaire de nos concitoyens, puisque de nombreux organismes, en particuliers privés, nous ont confié leurs masques. Cette bienveillance collective, ce sens du service à la nation ont été d’autant plus admirables que, lorsqu’il a fallu déconfiner, ces mêmes entreprises n’avaient plus de masques pour protéger leurs propres salariés… 

Bénédicte Le Mouel, Directrice Générale Adjointe du groupe SantéCité. ©DR
Bénédicte Le Mouel, Directrice Générale Adjointe du groupe SantéCité. ©DR
Justement, sur la question des masques, le groupement SantéCité a apporté sa pierre à l’édifice. Pourriez-vous revenir sur cet épisode ?
Stéphan de Butler d’Ormond : La France ne pouvait en effet importer que des masques FFP2 aux normes européennes. Mais les masques N95 et KN95, leurs « équivalents » américain et chinois, sont tout aussi filtrants ! Il a donc fallu convaincre l’État d’autoriser leur importation à titre provisoire. Un décret a finalement été publié en ce sens le 30 mars 2020 – soit quelques jours à peine après l’atterrissage d’un avion affrété par nos soins. Cet assouplissement a permis de détendre quelque peu la situation sur le terrain. Un point me semble d’ailleurs important à souligner ici. Malgré des pénuries importantes, la France a pu éviter une catastrophe à la chinoise ou à l’italienne grâce à la forte implication des professionnels de ville, qui ont pleinement joué leur rôle de premier recours pour justement éviter que nos hôpitaux ne soient submergés. C’est parce que tous se sont mobilisés que le système a tenu le coup.
Bénédicte Le Mouel : Tout le monde s’est en effet serré les coudes. Les hôpitaux publics et privés ont ainsi travaillé main dans la main, chacun faisait fi de tout dogme afin de répondre à une situation inédite. De la même manière, toutes les composantes du parcours de soins ont étroitement collaboré pour assurer un suivi au long cours des patients Covid. Les filières SSR-RESPI et SSR-Gériatrie ont permis de libérer de la place dans les secteurs aigus, la filière PSY a contribué à prévenir les décompressions psychiques consécutives à un séjour en réanimation. Mais cette dynamique ne peut être pérenne sans financements adéquats. La filière SSR-RESPI est par exemple mal dotée à l’échelle nationale alors qu’elle a assurément un rôle à jouer dans la prise en charge de cette nouvelle maladie.

Quid de la 2èmevague ?
Bénédicte Le Mouel : Elle aussi a été difficile, mais différemment. En premier lieu, les professionnels de santé étaient épuisés. Or il leur fallait non seulement continuer de prendre en charge les patients Covid, mais aussi faire face au retard de soins pour le reste de la population. Il est d’ailleurs à craindre que l’aggravation de l’état de santé général ne coûte à terme plus cher que le Covid. Des diagnostics de cancers, des chimiothérapies, ont été retardés. Dans les maternités, des femmes ont dû accoucher seules, d’autres ont été seules pour une interruption de grossesse, volontaire ou thérapeutique. Il fallait, naturellement, éviter toute prise de risque pour les équipes hospitalières. Mais l’impact de certaines décisions n’a pas été véritablement considéré, et les effets commencent à se faire ressentir.

Vous évoquez l’épuisement des soignants. Que préconisez-vous ?
Stéphan de Butler d’Ormond : Ils sont en effet durement éprouvés par ce qu’ils ont vécu. Nous craignons une augmentation des dépressions, des troubles psychologiques sévères. Cette problématique doit être abordée frontalement, avec des dotations budgétaires dédiées. Lors de la première vague, le Président a parlé de « guerre ». Dans l’armée, chez les blouses kaki, des moyens sont mobilisés en cas de situation difficile, pour prévenir les risques psycho-sociaux. Nous demandons à ce que les mêmes procédures soient mises en œuvre pour l’armée des blouses blanches, avec des moyens équivalents. Surtout qu’il n’y a pas, ici, d’armée de réserve ! Dans la même optique, nous estimons que les professionnels de santé ayant eu le Covid, surtout les formes longues, devraient être considérés comme des blessés de guerre et bénéficier de la même attention. Tout naturellement, nous préconisons également que tous les soignants soient prioritaires pour la vaccination, quel que soit leur âge.

Vous soulignez, à juste titre, qu’il n’y a pas d’armée blanche de réserve. Ne faut-il pas alors repenser la formation des professionnels de santé ?
Stéphan de Butler d’Ormond : Cela fait des années que nous alertons les pouvoirs publics sur les pénuries de personnel qualifié. Mais nous ne sommes pas entendus : en 1998 il manquait 30 % de kinésithérapeutes dans les établissements de santé, il en manque toujours 30 % aujourd’hui. Il faut investir, considérablement et durablement, dans de nouveaux parcours de formation initiale et continue. Les processus de validation des compétences doivent également évoluer, de manière à ce que les professionnels qualifiés soient rapidement opérationnels. Pourquoi ne pas mettre en place une qualification par bloc de compétence ? Cela permettrait par exemple à un aide-soignant se formant pour devenir infirmier de mettre ses compétences en pratique aussitôt qu’elles auront été validées. Cela serait un très fort accélérateur de l’apprentissage, mais il faudrait, pour cela, une volonté politique forte.

Ce n’est pas le seul enjeu où une volonté politique forte serait de mise pour mettre à profit les enseignements de la crise…
Stéphan de Butler d’Ormond : Il faudrait en effet décloisonner la recherche, en y associant plus étroitement les acteurs industriels ainsi que les universités, mais aussi mieux financer l’innovation médicale. De nombreuses avancées, en robotique, en génétique, ont été mises au point dans des établissements de santé français, mais elles ne bénéficient qu’à une part infime de nos concitoyens. Elles sont aujourd’hui tellement mal remboursées par l’Assurance Maladie et les mutuelles qu’un hôpital qui souhaiterait les proposer en routine devra les financer sur son propre budget au détriment d’autres prises en charge.
Bénédicte Le Mouel : Sur un autre registre, la crise a souligné l’importance de l’immunité collective, et donc d’une stratégie sanitaire basée sur la prévention. Mais celle-ci est elle aussi mal financée. Les projets d’éducation thérapeutique mis en œuvre au sein des établissements de santé sont par exemple pour la plupart déficitaires. Le développement de la prévention était certes au cœur d’un récent programme national, mais les moyens n’ont pas été mis sur la table. Peut-être faudrait-il que l’État prenne exemple sur les entreprises, en déclinant, pour chaque projet de loi, le budget associé.

Le mot de la fin ?
Stéphan de Butler d’Ormond : La crise a montré que lorsque l’État faisait confiance aux opérateurs locaux, ceux-ci savent en être dignes, savent être agiles et innovants pour répondre de manière pertinente aux défis sanitaires. Nous, hôpitaux privés, avons eu l’occasion de démontrer que nos compétences sont équivalentes à celles de nos homologues du public. L’équité de considération mise en œuvre durant la 1èrevague doit être maintenue.Notre modèle est certes différent de celui des hôpitaux publics, mais nous sommes animés par les mêmes valeurs humanistes et par la même volonté de servir nos concitoyens en agissant au quotidien dans le cadre de notre mission de protection de la santé publique.

Article publié dans le numéro de février d'Hospitalia à consulter ici .







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